Dans un long entretien accordé à Diagactu, Jean-Christophe Protais, président de SIDIANE, revient sur la reconfiguration du paysage représentatif de la filière des diagnostiqueurs immobiliers, notamment la constitution d’une structure intersyndicale et la nomination d’un représentant au CSCEE. Il évoque également les sujets d’actualité comme le DPE, pour lequel il défend l’idée d’un moratoire, ou encore la politique de rénovation énergétique des bâtiments.
En début d’année, SIDIANE a enregistré les arrivées de nouveaux adhérents. En quoi ont-elles modifié le positionnement du syndicat au sein de la filière et auprès des pouvoirs publics?
L’arrivée de ces nouveaux adhérents a renforcé le leadership de SIDIANE dans la représentation de la profession. Elle a aussi permis de rééquilibrer de manière significative la typologie de nos membres avec désormais 55% de réseaux intégrés et 45% de réseaux de franchise, ces derniers étant constitués de sociétés à taille humaine, dont les problématiques quotidiennes sont proches de celles des diagnostiqueurs indépendants. Cette typologie de nos effectifs nous différencie des autres fédérations qui restent majoritairement composées d’indépendants.
Cela nous donne aussi l’avantage de profiter de beaucoup de ressources et de compétences en interne: tous nos membres possèdent des directions techniques avec des pôles d’experts qui contribuent au développement de la filière. SIDIANE a ainsi la capacité de porter des sujets pour la profession, sujets qui feront la réglementation et le business de demain. C’est par exemple le cas de la refonte du Guide DPE du Cerema engagée par la DHUP ou la création d’une nouvelle norme DPE pour lesquels notre commission Efficacité énergétique, présidée par Stéphane Prouzeau, a proposé un certain nombre d’améliorations.
SIDIANE est d’ailleurs impliqué dans plusieurs études majeures. Sous l’égide du secrétariat d’État à la Mer, nous participons à une mission locale d’accompagnement sur la place portuaire de Brest pour mettre en place un pilotage efficace et améliorer la réalisation des repérages amiante dans le cadre des chantiers navals. Nous avons aussi été sollicités par le CSTB qui a confié à Diagamter et AC Environnement les tests « terrain » du Projet européen EPC RECAST. Il s’agit de préparer la nouvelle génération des Certificats de performance énergétique (DPE en France) dans le secteur résidentiel en travaillant sur la collecte des données, la fiabilisation pour faire mieux correspondre la consommation simulée avec la consommation réelle, l’amélioration des recommandations de rénovation énergétique, etc. Enfin, nous avons présenté une candidature conjointe avec le CSTB à un appel d’offres européen pour la réalisation d’une étude sur la méthode 3CL-2021 afin de mieux déterminer l’influence des différents paramètres sur le résultat final du DPE et ainsi formuler des recommandations de politique publique.
Grâce à nos ressources importantes, nous pouvons nous positionner sur ces études très structurantes pour la profession. Désormais, nous ne sommes plus en réaction, mais bien force de propositions en intervenant en amont, ce qui nous permet d’initier un certain nombre de choses même si la décision finale revient aux différents ministères.
Que vous inspire le rapprochement CDI-FNAIM/FIDI au sein de l’Alliance du diagnostic et où en est la constitution de l’intersyndicale demandée par le ministre du Logement?
Le rapprochement de la CDI-FNAIM et de la FIDI est intéressant. Il clarifie la représentativité de la filière. Il est plus facile de se mettre d’accord à deux qu’à trois. Ces deux fédérations disposent d’une base relativement homogène constituée majoritairement d’indépendants, qu’elles soient mariées nous semble plutôt une bonne chose.
La fusion des 3 fédérations n’est pas envisagée pour le moment. Il n’est pas rare que des filières soient représentées par deux fédérations, l’une composée de sociétés à taille humaine et l’autre de structures moyennes ou grosses, à l’image du CINOV et du SYNTEC ou encore de la CAPEB et de la FFB. Il est important, dans un premier temps, de continuer d’apprendre à travailler ensemble comme nous l’avons déjà fait l’an dernier sur différents sujets tels que l’arrêté compétences DPE ou le décret compétences Audit énergétique.
Cependant, pour répondre à la demande du ministre du Logement, une Intersyndicale regroupant SIDIANE, la FIDI et la CDI-FNAIM a été nouvellement créée: le Groupement des professionnels fédérés du diagnostic immobilier. Ce groupement est une condition pour que les diagnostiqueurs puissent être représentés dans les instances consultatives (CSCEE, CNH…). Le décret officialisant l’intronisation du Groupement au CSCEE a d’ailleurs été publié le 17 mai. Nous verrons comment cette structure intersyndicale se déclinera à l’avenir. Avant cela, il est important de dresser un état des lieux de la représentativité réelle de chacun afin de permettre des arbitrages en cas de désaccord sur le message à porter.
La montée en compétence des diagnostiqueurs ayant désormais été traitée, comment continuer à améliorer la réalisation des DPE?
À ce stade, le plus important est de stabiliser enfin le DPE. Même s’il reste encore perfectible et améliorable, il est essentiel de ne pas systématiquement le modifier, d’autant plus qu’une refonte plus ou moins significative interviendra avec la transposition de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments à l’horizon 2026. Si des modifications doivent encore intervenir, autant faire en sorte qu’elles interviennent toutes au même moment, en concertation avec la filière. Cette période de moratoire serait l’occasion de mettre en place une politique stable et cohérente sur le long terme. Elle permettrait non seulement d’améliorer l’efficacité énergétique et climatique des bâtiments mais surtout de renforcer la confiance des propriétaires et des investisseurs dans les initiatives de rénovation énergétique.
Ce moratoire n’empêche pas pour autant de traiter certains sujets comme l’amélioration du système de surveillance des diagnostiqueurs avec la mise en place d’un contrôle longitudinal qui me parait plus efficace que les surveillances des organismes de certification. Nous avons mené des tests qui nous ont permis de conclure que l’on pouvait très vite détecter les anomalies à partir de l’analyse de la production. De plus, l’implication des propriétaires-bailleurs dans la recherche de données étant un facteur clé de la fiabilité du DPE, la mise en place d’un indice de complétude, ratio entre les données fournies et les données nécessaires, permettrait de mieux les sensibiliser.
Quel regard portez-vous sur les débats actuels autour de la politique de rénovation énergétique des bâtiments, notamment les propositions visant à repousser le calendrier d’application de la loi Climat et résilience ou encore le contretemps sur le dispositif MPR?
La rénovation énergétique est une priorité sur laquelle il faut avancer. Bien que les ajustements temporaires des critères d’accès à MaPrimeRénov’ puissent se justifier pour apporter la souplesse nécessaire en ce moment, il est néanmoins impératif de revenir aux dispositions d’origine au 1er janvier 2025, comme cela est prévu. Mais un assouplissement qui permettrait de continuer à aider les rénovations monogestes ne me parait pas absurde. En revanche, il est totalement illusoire, et ce n’est pas un discours partisan, de supprimer l’obligation de DPE pour orienter le propriétaire. Sans cela, ce sera l’artisan le plus commerçant qui imposera sa solution avec le risque, in fine, de retrouver de la pompe à chaleur dans des passoires énergétiques, ce qui est une aberration. L’intervention d’un diagnostiqueur, en tant que tiers indépendant, me parait essentielle. Elle pourrait être éventuellement complétée par un DPE projeté pour éclairer le propriétaire-bailleur dans ses scénarios de rénovation énergétique. Pour le moment, le DPE projeté est considéré par l’Administration comme une offre commerciale du diagnostiqueur, ce qui est une réalité. Mais le sujet finira bien par arriver sur la table car il semble indispensable que l’attribution de l’argent public soit assujettie à de vrais diagnostics. D’ailleurs, dans le cadre de la directive européenne PEB, il est imposé de faire un DPE (CPE) pour l’attribution des aides.
Ensuite, il y a un vrai sujet avec l’échéance du 1er janvier 2025 et des critères de décence énergétique que nous aurons du mal à tenir dans le contexte actuel de crise du logement. Je crains d’ailleurs que cela relance le DPE Bashing à la rentrée prochaine. La proposition de la commission des finances du Sénat d’assouplir ce calendrier me parait donc être une bonne chose. C’est cependant un problème politique et non celui de la filière et, ces dispositions étant issues d’une loi, les modifier implique de repasser par le parlement ce qui est compliqué en ce moment. C’est pourquoi nous proposons de lier les critères de décence énergétique exclusivement à la performance climatique.